Fait significatif: Thomas Sutter, chef suppléant et porte-parole de l'Association suisse des banquiers, donc représentant des seuls bénéficiaires de cette funeste législation sur les services et établisse-ments financiers s'indigne, dans la NZZ de ce jour, de la contre-proposition des arts et métiers. Il parle à son sujet d'un "exercice inutile" et "non professionnel", "d'une intervention dans le style du coup de main", résolu qu'il est à tuer dans l'œuf toute amélioration constructive.
De la part des seuls bénéficiaires, cette indignation est égoïste, sans aucun fondement et presque malhonnête: les grands bénéficiaires de la nouvelle réglementation de la place financière s'indignent ainsi de devoir constater que la clientèle et les PME du secteur financier manifestent leurs préoccupa-tions quant à leur propre avenir. Ils ne daignent pas se pencher sérieusement sur la contre-proposition des arts et métiers concernant la LSFin et la LEFin. Mais le plus écœurant, ce sont leurs manœuvres. Ils poussent à une augmentation des coûts de la réglementation de l'ordre de 300 millions de francs par an, qui seront presque entièrement répercutés sur les PME du secteur financier et sur leurs clients, avec la seule ambition de servir les intérêts de leurs modèles d'entreprises. Nous avons affaire ici à une politique de profit purement particulariste.
Avec la loi sur les services financiers et la loi sur les établissements financiers, ce sont deux lois surdimensionnées qui déboulent sur la place financière. Le problème est que leur dénomination travestit le fait que ces lois s'intéressent en premier lieu aux PME de la finance. Le surplus de charges, en termes de coûts de la réglementation, aura pour effet d'expulser du marché presque toutes ces PME. Au profit de qui? Des banques, essentiellement. Et voici la seule et unique raison pour laquelle les banquiers promeuvent et défendent becs et ongles la LSFin et la LEFin.
Mais le fait crucial est que cette distorsion de concurrence, opérée par voie de réglementation, coûtera cher. Or, le lobby bancaire se propose simplement d'en répercuter le coût sur la clientèle. Ce sont ainsi les clients sollicitant des services financiers qui paieront la facture. Et c'est précisément pour cela qu'il est si ridicule de prétendre, comme l'ont fait ces derniers jours des représentants des banques, que ce sont eux qui génèrent 95 pour cent de la valeur ajoutée sur la place financière helvé-tique. C'est compter sans les clients.