11h00: Guy Parmelin, conseiller fédéral.
Quel terreau fertile pour les start-up?
Je vous remercie de votre invitation à tutoyer les Dents-du-Midi. C’est toujours agréable de pouvoir s’oxygéner les poumons et l’esprit, de prendre de la hauteur par rapport aux problèmes qu’un ministre de l’économie rencontre au quotidien. Champéry est une étape intéressante pour ce faire. Elle a longtemps vécu de l’agriculture et du mercenariat, puis s’est reconvertie dans le sport et le tourisme, elle partage une longue frontière commune avec la France et s’est jadis farouchement opposée aux gouverneurs hauts-valaisans. Elle pose du fait même de son histoire et de son statut des questions transposables à l’ensemble de la Suisse. Sur les facteurs de notre croissance économique, sur nos relations avec l’étranger, sur notre indépendance et notre autonomie.
Quel terreau fertile pour les start-up. Vous avez choisi de mettre un point d’interrogation à ce qui aurait pu tout aussi bien être une exclamation. Ce sujet intéresse l’ensemble de notre économie. Structure temporaire de l’innovation, la start-up cherche en fait à durer. En créant des richesses, des emplois, de la créativité, du leadership dans son secteur. Et à ce titre, la start-up est un reflet de l’économie suisse en modèle réduit. Si ce mode d’entrepreneuriat a trouvé dans notre pays un terreau si fertile, c’est grâce au fait que les start-up utilisent une matière première dont notre pays regorge. Des talents, des connaissances issues de nos instituts de formation et de recherche, afin d’élaborer des produits et des solutions à forte capacité d’innovation tout en facilitant l’opération de transition numérique dans laquelle nous sommes engagés depuis plusieurs années.
Investir dans les start-up, c’est investir en quelque sorte dans quelques-unes des valeurs-phares de notre économie. Cependant, l’innovation ne doit pas se concevoir comme une fin en soi, comme un exercice de style pour le professeur Nimbus. Elle sert au contraire des objectifs identifiés et elle permet, par l’entremise des start-up, notamment de résoudre les défis sociétaux urgents de notre époque, qu’ils soient sanitaires ou environnementaux. En 2019, la Suisse comptait 1,71 start-up pour 100 000 habitants. Ce chiffre ne veut pas dire grand-chose en soi, si ce n’est qu’il révèle une progression constante qui permet à notre pays de combler son retard sur Israël et les pays scandinaves qui sont tous connus pour figurer au top de référence dans ce domaine. Aujourd’hui par exemple, la Suisse compte une densité de start-up plus élevée que la Suède ou la Finlande. Et puis ce chiffre reflète aussi la crédibilité des start-up et donc leur capacité à générer du financement. Ce chiffre est dès lors un indicateur encourageant de la qualité de la formation supérieure Suisse et des prédispositions de nos diplômés à faire vivre ce savoir, à le transformer en services au bénéfice du bien commun.
Quel terreau fertile pour les start-up. Je viens de donner quelques éléments liés à la formation, à la recherche et à un certain état d’esprit. La start-up au fond, c’est comme la politique. Il lui faut de la «Stimmung» pour avancer, de l’audace pour créer et du «Team Spirit» pour se sentir en confiance. Et puis tout le monde va vous le dire, si le savoir-faire, c’est bien. Mais le faire savoir, c’est bien aussi. Dès lors, les outils de promotion de l’innovation sont au moins aussi importants que l’innovation elle-même. Au niveau fédéral, je vous confirme que les derniers chiffres d’Innosuisse, l’agence pour l’encouragement de l’innovation, sont tout à fait réjouissants pour l’année 2021. Nonobstant une augmentation de 13% des demandes de soutien à des projets d’innovation, le taux s’est maintenu à 50% environ. Une partie de la fertilité du terreau suisse des start-up dépend évidemment de nos conditions-cadres. Or ces dernières ne sont jamais aussi efficaces que si elles tiennent compte des réalités et des besoins du moment, lesquels évoluent par définition constamment. Et cela vaut pour les conditions qui s’appliquent aux start-up. Donc mon département a été chargé par le Conseil fédéral d’examiner les pistes d’amélioration. Je les entrevois personnellement dans les processus de transferts de technologies pour les spin-off, les hautes écoles, l’accès à la main-d’œuvre qualifiée des pays tiers, dans le soutien au dépôt de brevets dans les hautes écoles. Ou encore dans la mise en place d’initiatives entrepreneuriales dans ces mêmes établissements. La Confédération introduit aussi de nouveaux instruments nés de l’assouplissement né de l’assouplissement des conditions d’encouragement à l’innovation. Ainsi et pour la première fois cette année, Innosuisse financera-t-elle directement certaines des PME et des start-up les plus prometteuses. Nous nous attendons à ce qu’une quarantaine de projets à très forts potentiels d’innovation en soient les bénéficiaires.
Je dois néanmoins relever que des progrès peuvent encore être faits en matière d’accès au financement en phase de croissance. Car si nos start-up trouvent désormais assez facilement des financements à ce stade de leur évolution, ce n’est pas le cas de ce qu’on appelle les «Scale-up». Des réflexions sont d’ailleurs en cours pour remédier à cette situation.
Reste à évoquer ici un volet qui nous est cher à tous, la liberté. De même qu’un oiseau ne peut s’élancer avec les ailes repliées, de même n’y a-t-il pas de force d’innovation si les entreprises ne disposent pas d’une liberté d’entreprendre suffisante. C’est là que je plaide pour que la réglementation tienne compte de cette réalité. Et dans cet esprit, le Conseil fédéral adoptera cette année encore le message relatif à la loi sur l’allègement des coûts de la réglementation pour les entreprises ainsi que le message relatif à l’introduction d’un frein à la réglementation. Je n’entrerai pas dans le détail de ces textes si ce n’est pour vous dire qu’ils visent pour l’essentiel à chasser les dispositions inutiles des nombreux projets de loi et à identifier le potentiel d’allègement de ceux-ci. C’est une vaste tâche, croyez-moi – et qui ne s’achèvera pas avec Guy Parmelin (rires) tellement l’administration sait admirablement répondre aux attentes des élus quand il s’agit de renforcer les contrôles et les contraintes. Lorsque je rends visite à des start-up et cela m’arrive assez souvent, l’un des points les plus fréquemment soulevés concerne des obstacles en matière d’exportation. C’est là l’un des véritables problèmes pour nos PME, attendu qu’elles représentent 42% des exportations et 60% des importations. Or nombre d’entre elles n’ont pas de filiales à l’étranger et n’ont pas les ressources suffisantes pour se mouvoir avec aisance dans la jungle des normes internationales légales ou commerciales.
C’est pour cette raison que je me suis battu avec acharnement pour faire aboutir la proposition gouvernementale de suppression des droits de douane industriels. Elle sera une réalité en 2024. Une réalité bienvenue appelée à faciliter l’importation de produits industriels et à permettre aux entreprises d’accéder à des intrants moins chers. Il faut s’attendre à ce que de nombreuses formalités administratives disparaissent au passage, ce qui devrait là aussi rendre les échanges plus aisés. Et pour cet objet, il a fallu du travail avec votre organisation et les membres du Parlement.
Mesdames et Messieurs, il reste encore certaines pistes à explorer pour que le développement de nos start-up soit encore plus fructueux. Nous devons d’abord faire avancer la numérisation des permis de travail relevant du droit des étrangers. Les annonces pour les personnes admises à titre provisoire et les réfugiés, ainsi que les demandes d’autorisation pour les frontaliers sont déjà disponibles en ligne pour les cantons pilotes. La prochaine étape consistera à délivrer des permis aux prestataires de services de l’UE, AELE et des pays tiers. Ensuite, en matière de fiscalité, le Conseil fédéral est ouvert à l’idée d’une compensation illimitée des pertes pour toutes les entreprises confinées à une imposition minimale. Il examine cette possibilité dans le cadre de la mise en œuvre d’une motion de la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national intitulée «Pour un traitement fiscal concurrentiel des start-up». Troisièmement, les impôts sur le capital et la fortune, qui consomment de la substance ont des incitations économiques fondamentalement négatives. C’est pourquoi le Conseil fédéral estime qu’un transfert de l’impôt sur le capital et la fortune vers un renforcement de l’impôt sur les bénéfices mérite à tout le moins d’être examiné. Enfin, la suppression de l’attestation authentique par un notaire lors de la création et de la dissolution d’une entreprise à structure simple, ou la libéralisation du notariat par le processus dit de libre-circulation des services, pourrait également alléger la charge des start-up. Ce sont des mesures que je vous cite et qui n’ont pas encore trouvé de majorité au Parlement.
Comme vous pouvez le constater, malgré un environnement déjà largement favorable pour nos start-up, nous pouvons faire encore mieux. Le Conseil fédéral le sait, il en est conscient et il reste vigilant pour améliorer constamment nos conditions-cadres. Mais il ne peut pas y parvenir seul. Il doit pour cela pouvoir compter sur la collaboration de l’ensemble des acteurs concernés pour que les améliorations aient des effets aussi largement bénéfiques que possible. L’usam est précisément l’un de ces acteurs et je me réjouis qu’elle soutienne politiquement les projets de réforme ou d’allègement que je viens d’évoquer. Au plan opérationnel, je lui sais gré d’avoir soutenu le projet Easygov depuis son lancement. C’est ainsi qu’un représentant de l’usam siège dans le groupe d’accompagnement économique et peut ainsi faire valoir activement les intérêts et les idées en faveur des PME. C’est vous dire encore une fois que le chemin continue et notre collaboration avec lui. Il est en effet heureux de pouvoir concevoir cette approche dans un esprit de long terme. Cela prouve que les métiers d’innovation et de compétitivité sont des métiers d’avenir, de notre avenir. Et je vous remercie encore une fois de nous aider à dessiner cet avenir sous un jour plus clair et je vous remercie de votre attention.
12h00 – Discours clôture, Fabio Regazzi, président de l’usam
Monsieur le Conseiller fédéral Guy Parmelin, Mesdames et Messieurs,
Au terme de ces deux jours de conférences sur les start-up, permettez-moi de réitérer mes remerciements, respectivement:
- au Conseiller fédéral Guy Parmelin de nous avoir rejoints ici à Champéry pour parler de start-up du point de vue de la Confédération
- aux intervenants entrepreneurs et experts qui ont participé aux tables rondes,
- à Monsieur Pascal Schouwey qui a assuré l’animation de ces deux jours,
- et à vous chers participants.
Mesdames et Messieurs, chers participants,
Vous êtes désormais informés quant aux start-up et à leurs défis. Je vous exhorte vivement à mettre ces connaissances en pratique au bénéfice plus large des PME. À travers l’organisation de ces Journées romandes des arts et métiers, l’Union suisse des arts et métiers démontre son implication autant pour les PME que pour les start-up, les fameuses jeunes pousses.
Hier il était question de leurs défis d’expansion à l’international, mais aussi de leurs défis ven politique et face à la réglementation.
Aujourd’hui, nous avons encore vu quels sont dans l’évolution des entreprises, les caractères disruptifs des start-up et les évolutions à long terme. La question de comprendre pourquoi il faut se lancer même au cœur de la crise, car finalement il n’y a jamais de moment parfaitement idéal pour se lancer.
Avec Monsieur le Conseiller fédéral Guy Parmelin, nous avons pu constater que la Confédération veut soutenir les start-up, mais qu’il faudrait encore et surtout soutenir l’esprit d’entreprise.
Notre objectif à l’usam reste d’établir des conditions optimales pour la liberté d’entreprise sur un marché libre et d’introduire un frein à la réglementation. Ainsi la croissance économique sera soutenable.
Vous conviendrez certainement avec moi, qu’aucun investisseur ne fera des affaires dans un pays ceinturé de réglementation et à la merci d’un esprit de servitude.
Je terminerai mon allocution, en réitérant à tous, mes sincères remerciements pour votre participation active à ces Journées romandes des arts et métiers.
Maintenant retenez la date de la 56e édition des Journées romandes des arts et métiers le jeudi 22 et le vendredi 23 juin 2023.
Je vous remercie de votre aimable attention. Au revoir.