Alors que les Jeunes socialistes mettent une fois de plus la lutte des classes en scène, de nombreux responsables d’entreprises familiales voient dans l'initiative pour un nouvel impôt fédéral sur les successions une menace pour l'œuvre de leur vie et celle des générations précédentes. En effet, l'initiative des Jeunes socialistes n'autorise explicitement aucune exception à l'imposition massive de 50% sur les successions de plus de 50 millions de francs, mettant ainsi en péril la pérennité d'entreprises familiales traditionnelles qui sont des employeurs importants dans leurs régions et investissent beaucoup dans l'innovation et la formation en Suisse.
C'est le cas de l'entreprise EMCH Aufzüge AG à Berne, vieille de près de 150 ans, qui est directement concernée et où s’est tenue la conférence de presse. Depuis 23 ans, elle est dirigée et développée en continu par Bernhard Emch et son frère Hansjürg. La transmission à la prochaine génération doit être préparée à long terme. Cela deviendrait impossible si l'initiative des Jeunes socialistes était acceptée: «Nous sommes une entreprise industrielle avec de grands ateliers et un parc de machines spécialisées. Notre fortune réside dans les brevets et dans l'entreprise, et non sur un compte bancaire », prévient le directeur Bernhard Emch. Les actifs de l'entreprise n’étant pas liquides, et comme il serait illusoire d’obtenir facilement des crédits pour payer l’impôt, la seule solution consisterait à vendre des parts de l'entreprise, voire la société toute entière. Une vente à l'étranger serait probable. Dans de nombreux cas, les bénéficiaires de ce démantèlement seraient des investisseurs financiers étrangers qui n'ont aucun lien avec le personnel, le lieu de travail et la tradition.
Isabelle Harsch, PDG de Henri Harsch HH SA, sait quel tour de force reprĂ©sente une transmission au sein de la famille, qui pour rĂ©ussir nĂ©cessite un Ă©norme investissement en travail et en planification financière. Elle a repris l'entreprise de transport de son père en 2015 et manifestĂ© sa volontĂ© de renouveau dans le nom de l'entreprise, qui s'appelle dĂ©sormais Harsch – The Art of Moving Forward. Or, c'est prĂ©cisĂ©ment cette avancĂ©e qui serait rendue impossible par l'initiative des Jeunes socialistes. Car l'innovation et le progrès nĂ©cessitent des moyens financiers. «Si l'on pousse les entreprises Ă la ruine financière lors de leur transmission Ă la gĂ©nĂ©ration suivante, on les prive de moyens dont elles auront besoin pour assurer leur pĂ©rennitĂ©, en investissant notamment dans leur outil de production, dans leur infrastructure et dans leur savoir-faire», constate l'entrepreneuse.Â
Marco Sieber, copropriétaire et président du conseil d'administration de SIGA, est convaincu que l'initiative des Jeunes socialistes serait un autogoal, et pas seulement pour les entreprises directement touchées. De nombreuses entreprises orientées vers l'exportation, comme la sienne, sont déjà durement touchées par les droits de douane américains. «Un affaiblissement supplémentaire des conditions d'implantation par l'initiative des Jeunes socialistes serait également néfaste pour de nombreuses PME. En effet, si les entreprises concernées sont vendues ou délocalisées, la Suisse perdra des commandes et des recettes fiscales. Les PME en subiront directement les conséquences. «Une augmentation des impôts due à la perte de recettes et des réglementations absurdes résultant de la restructuration globale de l'économie seraient les conséquences inévitables», conclut M. Sieber.
Enfin, l'initiative abuse de la politique climatique comme prétexte pour mettre en œuvre une transformation radicale de l'économie. Ce qu'elle oublie de mentionner, c'est que la Suisse mène déjà une politique climatique bien étayée et démocratiquement légitimée. Les entreprises suisses apportent elles-mêmes une contribution significative à la durabilité, en particulier dans le domaine de la recherche et du développement. Wim Ouboter, PDG de Micro Mobility Systems, a investi des millions dans la mobilité respectueuse du climat au cours des dernières décennies, de sa propre initiative et par conviction. Toujours à ses propres risques et sans aide de l'État. Si un impôt sur les successions était dû lors de la transmission de l'entreprise à ses fils, l'argent nécessaire pour poursuivre les innovations et les visions ferait définitivement défaut. Il est convaincu que cela n'aidera pas le climat: «Une politique climatique imposée par l'État saperait tous les efforts des entreprises sans apporter d'améliorations concrètes pour la protection du climat.»