Nouvelles de Champéry
Lundi, 25 juin 2018
La valeur des PME
09h30 – Arrivée progressive des participants à ces 51es journées romandes, sur le thème de la valeur des PME. Echanges autour d’un café et de viennoiseries.
10h30 – Allocution d’ouverture, par André Berdoz, vice-président de l’usam, en présence de 120 personnes environ. «Innover en restant humain. Maintenir un dialogue direct permanent avec les autorités. Rester vigilant face à la multiplication de règlements. Et viser le soutien du peuple Suisse.»
10h38 – Les PME, notre patrimoine, par Laurence Parisot. « C’est toujours un immense plaisir de rencontrer les chefs d’entreprises. Mais quand il s’agit de PME, mon cœur bat encore plus fort ! » Je suis née au milieu d’une PME en Franche-Comté. J’aimerais vous parler de la PME attitude. Le grand plus qu’offre la PME, c’est votre âme. Cette valeur humaine, cet humanisme sans laquelle elle ne survit pas, contrairement au grand groupe. J’aimerais attirer votre attention sur la dimension de proximité, le lien interpersonnel. D’où la capacité à écouter les propositions de chacun, d’écouter le client, d’être dans la qualité. Des valeurs essentielles dans le monde d’aujourd’hui. La PME a besoin de garder ses atouts.
10h45 – Et voici la deuxième dimension, la simplicité, la clarté. Depuis la crise, nous n’avons su produire que des normes, des règles. Si les PME ne cherchent pas à créer un enfer de règles, c’est parce qu’elles ont le bon sens. Il est interdit aux maisons de retraite françaises d’avoir des œufs coques. Elles ne peuvent utiliser que des packs d’œufs liquides. C’est un drame. On ne peut plus faire de crêpes. Je n’imagine pas que cela puisse arriver dans une PME. Avoir l’esprit PME, ce n’est pas être plus petit, c’est être plus intelligent. Si on ne comprend pas ça, on va en crever. Mais j’ai bon espoir. Ces vingt dernières années n’ont pas été favorables aux petites entreprises. La globalisation notamment. Certes, les fusions vont continuer. Mais simultanément se développe une autre tendance très nouvelle qui va signer le retour en force du modèle des PME.
11h00 – Laurence Parisot, présidente du MEDEF de 200 : « Certains parlent d’économie circulaire, je parlerais plutôt d’économie de proximité. Mais l’idée est la même. Le modèle va se parfaire et les nouvelles générations le vivent déjà. Le fait de prendre des ressources naturelles, de les triturer et de les jeter, puis de les offrir à la consommation. On essaie d’être plus intelligent avec les ressources, on limite les rejets, les déchets, on consomme plus sobrement, avec plus d’attention. Pour les PME, c’est beaucoup plus rapide, naturel et facile que pour les grandes entreprises. Dénicher une ressource à proximité, optimiser la production, la PME fait tout cela naturellement, y compris la recherche de partenaires locaux. Depuis toujours, sans le savoir, elle pratique l’économie circulaire. Elles doivent encore conceptualiser cette démarche, la mettre au goût du jour, le faire savoir ! Le monde d’aujourd’hui exige de l’engagement, de l’éthique. La PME s’inscrit ainsi dans la modernité.
Elle doit aussi embrasser des causes essentielles pour la société. Dont l’exigence absolue d’égalité entre les hommes et les femmes. Partout dans le monde, les femmes n’en peuvent plus, de ne plus être traitée à égalité. Et, vous, nous, dans les PME, nous pouvons le faire aussi. Mais nous le ferons sincèrement. Toute la dynamique de travail s’en ressentira de manière positive. Tout sera mieux assuré lorsque vos équipes seront mixtes, vos objectifs partagés, que les valeurs de la modernité seront portées dans vos entreprises. La valeur de votre entreprise sera tout cela, avec ce plus, l’âme. C’est vous qui la mettez. Et il y a une chose que vous apportez tous à votre PME, c’est le courage. J’ai dirigé une PME, l’IFOP. Je l’ai portée durant 26 ans. Il y a aussi le courage. Le courage, en fait, c’est la plus grande des différences. L’origine latine du mot valeur, « valere », c’est d’avoir la force. C’est comme le courage sauf que dans le courage, il y a aussi le cœur.»
11h16 – Laurence Parisot : «La PME, c’est la force et le cœur. Etre tenace et avoir la générosité. C’est ce qui vous différencie des entreprises de grande taille. La valeur patrimoniale, c’est aussi tout ce qu’elle représente dans le territoire où votre entreprise est insérée. C’est bien au-delà du discounted cash-flow que vous avez de la valeur. Je pense à une phrase de Churchill, à propos des petites entreprises. Qu’on pensait à elles comme à des vaches à traire. Et qu’on aurait dû y penser plutôt comme à un cheval qui tire toute la charrue! Sans la PME, pas de mouvement vers l’avant. Je vous dis que pour moi les vrais héros de nos sociétés. Et les chefs des PME, comme vous.»
11h23 – Discussion avec Jean-François Rime. François Gessler (GastroSuisse). Comment ce message de PME attitude passe dans les grands groupes et les conseils d’administration? – Dans les années 2008-2011, dans de grands groupes industriels. Une réaction face aux carnets de commande en chute, nous allons internaliser la sous-traitance et nous réduirons nos charges. Ce qui me choquait, c’était l’absence de considération pour les PME promises au dépôt de bilan. Je me suis fâché et demandé qu’on les traite avec considération. La crise financière a conduit à des changements de législation, de comportement des banques notamment sous l’influence des décisions politiques. Du coup, en cascade, de nouvelles contraintes sur la clientèle PME. Banques qui ont décidé de diminuer le nombre de PME clientes. On peut râler, essayer de limiter les dégâts, mais on ne peut qu’atténuer les choses. La clé, c’est au niveau du pouvoir politique. Le politique n’arrive pas à faire le lien entre la macro et la micro-économie. C’est une pédagogie de chaque instant.
11h25 – Jean-François Rime – Sur les différences entre la Suisse et la France. En Suisse, en politique, nous avons un parlement de milice, donc ouvert aux chefs d’entreprises. On siège 3-4 mois par année avec les commissions. Quant à l’attitude des banques face aux PME, le shift pour nous s’est déjà produit dans les années 1990. Des erreurs ont été commises. En 1999, les grandes banques ont lâché l’industrie du bois. Cela étant, de nombreuses banques cantonales et régionales soutiennent encore les PME. Et de nombreuses PME ne dépendent plus des banques.
11h38 – Pascal Schouwey – Sur la start-up. Jean-François Rime: Un menuisier qui lance une nouvelle entreprise avec deux collègues, une boucherie qui s’ouvre, c’est une start-up.
11h39 – Laurence Parisot – En France, un gros enjeu sur la reprise d’entreprises. Pour qu’ils en aient envie, il faut que les repreneurs en aient envie. Faire comprendre toute la modernité qu’il peut y avoir à reprendre une fabrique de meuble aujourd’hui. Elle sera équitable, mixe.
11h42 – M. Margelich, Association suisse des banques. – Il y a aussi la disponibilité. Sur les banques, complémentarité entre les petites et les grandes. Suite au problème du crédit et du rating des entreprises, nous avons créé un observatoire. Sur l’avenir, sur Bâle III, en décembre, nous aurons un renforcement des règles sur les fonds propres parce que les banques centrales craignent une nouvelle crise financière.
11h47 – Jean-François Rime – Depuis 2003 à 2007, on avait une confiance dans ce que le ministre et les banquiers nous racontaient. Ensuite cela a été plus flou. Mais j’ai confiance dans le système bancaire.
11h48 – Laurence Parisot – Je perçois une situation plus favorable pour les PME en Suisse qu’en France. Le système est peu concurrentiel et sous la pression forte des règlementations de la BCE. Suite à Bâle III, on va exiger beaucoup plus. Ces ratios seront atteints au détriment d’une clientèle PME. Et les décisions prises ne sont pas
11h51 – Jean-François Rime – Dans le cadre de l’UE, ne pensez-vous pas que c’est difficile de trouver une réglementation qui s’adapte à tous ces cas de figure.
11h52 – Laurence Parisot sans budget, sans marché du travail unique, sans homogénéisation, nous n’arriverons pas à résoudre ces difficultés, je suis pessimiste face à l’évolution de l’Europe. Je pense que de nouvelles alliances post-Brexit vont se dessiner, du cœur historique France-Allemagne, surtout qu’on garde un lien personnel avec la Suisse. Que le lien ne se perde avec la Suisse à la suite du Brexit.
11h55 – Jean-François Rime – Je salue les paroles de Madame Parisot sur la collaboration. J’aimerais bien que plutôt des accords-cadres, on ferait mieux de se mettre à table et de discuter des problèmes concrets. Je pourrais soutenir cela.
11h56 – Laurence Parisot – Je crois aujourd’hui que parmi toutes les erreurs commises dans l’Europe, le fait que l’UE n’a jamais accepté les régions. Chez nous la Corse n’en peut plus. On pourrait garder le cadre européen, cette paix, tout en donnant plus de souplesse à des accords régionaux, à des autonomies régionales. Ce contact est hyper naturel. On pourrait trouver des dynamiques et des opportunités. La grande menace est chinoise. On aimerait très bien ne pas être englouti par cette logique chinoise.
11h59 – Mme Charmey, femmes PME Suisse romande – Comment faire sortir les femmes du back-office ? Laurence Parisot: «Pas de recette, sinon en parler. Le fait qu’on en parle, c’est déjà quelque chose. Se demander si on peut faire autrement. En France, une association très spontanément s’est créée, «jamaissanselle». C’est parti d’un colloque économique, très diffusé sur twitter et facebook. Un panel d’homme sur scène et les réseaux ont commencé à réagir. Aujourd’hui personne n’ose afficher une discussion sans femme, on lui fait comprendre qu’il est daté et à quel point c’est daté. Lancez une initiative «jamaissanselle» en Suisse. Je suis favorable aux quotas dans les grandes entreprises. Et c’est normal, dans ma PME familiale? Aux hommes: ne laissez pas 2000 ans d’histoire se reproduire indéfiniment et de manière biaisée. Que les femmes pionnières ont dans de nombreux cas avaient été effacées.»
12h08 – Laurence Parisot – Je vais vous le dire de manière brutale. Le mysogyne est un raciste. Parfois vous l’êtes sans en être conscients. Osez défier ces 2000 ans, vous verrez comme c’est utile, créatif. Un autre mot. Je n’ai jamais entendu l’idée que les Suisses étaient mysogynes.
Le repas de midi est pris dans les jardins du Palladium face à un superbe décor alpin. A table, Laurence Parisot en conversation avec Jean-François Rime, président de l’usam, André Berdoz, vice-président, Hans-Ulrich Bigler, directeur de l’usam.